2007, Bulle immobilière : Cupidité, enjeux et mensonges

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Tout système ne repose que sur le consentement des personnes à accepter et à entretenir ce système.

Que vaut un logement immobilier ?

De nos jours, les prix de l’immobilier peuvent varier de presque gratuit en Allemagne à 10 000$ le m² à Manhattan.

Dans certains pays d’Amérique du Sud, une maison coûte moins cher qu’une voiture.

D’ailleurs vous remarquerez que les voitures, elles, perdent de la valeur avec le temps, tandis que le prix des logements anciens à doublé en 10 ans… dépassant, dans certains quartiers, le prix des logements neufs.
Vous imaginez vous, une Clio de 1990 qui vaut plus cher qu’une Clio neuve ?

Cycles immobiliers

Soumis à la loi de l’offre et de la demande, l’immobilier est un produit spéculatif, sa variation est cyclique. Ça monte, ça baisse, mais ça ne stagne pas sur du moyen terme. Exemple en France (1):

Phases de hausse :

  • 1er trimestre 1970 - 1er trimestre 1981 : +31.2%
  • 3e trimestre 1984 – 2e trimestre 1991 : +33.0%
  • 1er trimestre 1997 - 1er trimestre 2005 : +74.3%

Phases de baisse :

  • 1er trimestre 1981 - 3e trimestre 1984 : -18.1%
  • 2e trimestre 1991 - 1er trimestre 1997 : -18.0%
Prix immobilier sur du long terme

Sur du long terme, le prix d’un logement suit une tendance historique indexée sur l’inflation. D’où l’expression : « l’immobilier [acheté à sa juste valeur] ça ne baisse jamais » [sur du long terme]

Courbe de Friggit

Nous assistons, pour la première fois de l’Histoire moderne à une phase ascendante d’un cycle immobilier, non seulement d’une amplitude inédite, mais aussi mondiale (USA, Chine, Canada, France, UK, Australie, Italie, Espagne, Pays-Bas, Maroc…)

Un peu d’histoire économique (2)

1819

Première traversée de l’atlantique avec un navire à vapeur. En Amérique et en Europe, des sociétés de transports sont créées. En Angleterre, il existait 154 entreprises de ce type en 1824, avec un capital de 48 millions de livres, et 524 pour 380 millions en 1830 !
Après 6 années d’exploitation sans bénéfice ni dividende, les cours commencèrent à tomber, jusqu’au crash de 1837.

1825

Construction du premier chemin de fer en Angleterre, puis le démarrage commercial se fit en 1830 avec l’inauguration de la ligne Liverpool-Manchester. En sept ans, le nombre de compagnies ferroviaires passait de 47 à 131, puis à 630 en 1846.
Encore une fois, lorsque les actionnaires se rendirent compte que les coûts de construction reporteraient la rentabilité à des lustres, ce fut le mouvement de baisse qui commença, pour aboutir au krach de 1847.

1880

Thomas Edison présente sa lampe à incandescence. Le cours de sa société passe alors de 105 à 3000 dollars en quelques jours ! Des sociétés se créent alors dans le monde entier pendant les 20 années qui suivent, pour finalement aboutir au krach de 1901.

Etc… etc…l’histoire se répète… La cupidité humaine est sans mémoire, sans limite. Des fortunes se font, d’autres se sont défont. C’est la loi impitoyable de notre système capitaliste.

1989-90

Fin du dernier cycle ascendant de l’immobilier. Suivi d’une phase de crise immobilière. Pour les sceptiques qui continuent à croire que l’immobilier ne baisse jamais(3)(4) :

Capital novembre 1992 Capital novembre 1997

En France c’est surtout Paris et les grandes villes qui sont touchées. Le marché ne repartira qu’en 1997.

Parenthèse japonaise (5):

Le Japon a connu dans les années 1990 une situation monétaire particulière marquée par une grave crise déflationniste.
L'économie japonaise plonge dans la récession après l'éclatement de la bulle spéculative immobilière et financière en 1991 (Certains propriétaires se sont même endettés sur 50 ans).

La banque du Japon décide alors de baisser graduellement les taux d’intérêts jusqu'à 0,5% en 1995, puis à 0%, ouvrant ainsi, le robinet de liquidité.
L’indice boursier du japon, le NIKKEI, atteindra 40 000 en 1990, pour 17 500 en 2006. Les prix immobiliers subissent 15 années de baisse consécutive.

1999 - 2001

Quittons un peu l’immobilier, qui amorce donc tranquillement la phase ascendante que nous connaissons et regardons un peu diverses bourses mondiales. Nous sommes en pleine « bulle internet ». Les indices boursiers, comme le NASDAQ et le CAC atteignent des sommets :

Le NASDAQ en 10 ans

2000, la bulle internet explose, les professionnels avertis se sont retirés bien avant, certains chanceux ont sauté en plein vol avec des plus value extraordinaires et des milliers d’épargnants, des banques, des institutions financières, des apprentis spéculateurs se retrouvent ruinés en quelques mois. Nota : Un document vidéo assez pédagogique sur la bulle internet sur le site de l’INA (www.ina.fr) : Les marchand d’illusions (tapez le mot clé krach).

2001

Chute du World Trade Center : Afin d’éviter des répercussions économiques et de relancer l’économie qui peine à se remettre de l’éclatement de la bulle internet, Greenspan fait chuter le « prix de l’argent » ou les taux d’intérêts de la FED de 6% à moins de 2% ! Imité par les différentes banques mondiales, comme la BCE. Les taux d’intérêts atteignent des niveaux historiquement bas.

2001-2007

Depuis, les liquidités inondent le monde financier, créant des bulles dans différents secteurs : immobilier, financier et matières premières.
Les directeurs de banques mondiales manient les taux d’intérêts avec précautions : trop haut, les bulles éclatent, trop bas les bulles reprennent. Le but de la manœuvre étant de manier les taux d’intérêts avec douceur, afin d’obtenir un « atterrissage en douceur » des différentes bulles.

Petite collusion entre amis

Revenons à l’immobilier, en France. Depuis 1997, l’immobilier à plus que doublé, le PIB augmenté d’environ 25%... et les salaires ?

Les acteurs du secteur immobilier

Il faut préciser que cette flambée immobilière est une véritable poule aux œufs d’or pour certains :

  • Organismes de crédits (banques…) : ils se font concurrence pour offrir les taux les plus bas, à ses clients potentiels de 30 ans, allant jusqu’à proposer des crédits qui rogneront leur marge à des clients à la solvabilité « douteuse », comme HSBC (6). Leur intérêt : avoir des clients enchaînés sur 30 ans et se rattraper par la suite sur d’autres tarifications bancaires.
  • Banques, assurances, fonds de pensions, institutions financières, groupes pétroliers : achat d’immeubles entiers, avec entretien d’une pénurie par la vacations des logements achetés, puis revente à la découpe (36 000 logements sur Paris rachetés par des fonds de pensions !!!) C’est de la spéculation. (7)
  • Agences immobilières : empochent des commissions de 5 à 7% sur les montants des transactions. les agences immobilières fleurissent comme des champignons, les franchises se vendent comme des petits pains. J’ai même habité un bled où il y avait autant d’agences immobilières que de boucheries et de boulangeries réunies.
  • Les marchands de biens : qui représentent 8% des transactions en 2006 contre 12% en 1990 (8) et quelques particuliers apprentis spéculateurs au nombre à définir…
  • Les promoteurs immobiliers, les constructeurs, les fournisseurs de matériaux, sous-traitant et artisan du BTP
  • Les annonceurs : journaux de petites annonces, quotidiens… en 2007, le leader d’annonces sur internet seloger.com affiche 600 000 annonces de vente, soit l’équivalent d’une année de transactions immobilières : Quid de la pénurie, de rareté de l’offre ?
  • Notaires (frais de notaires)
  • Collectivités locales (qui bénéficient des frais de mutations lors de la signature chez le notaire)
  • Mairies : mise en valeur du foncier, au détriment d’environnement et développement économique local des petites entreprise du BTP
  • L’État : la croissance revient, le BTP est le secteur d’emploi qui recrute le plus. Et puis ne dit on pas « quand l’immo va tout va »?
  • L’état a encouragé cette fièvre immobilière, en favorisant la construction des logements par des particuliers en échange d’une défiscalisation (loi de Robien, qui fait suite aux lois Besson…) ainsi que l’extension du prêt à taux zéro.
Les particuliers

Pour les particuliers, premier maillon de la chaîne alimentaire, c’est l’engouement pour la pierre, les taux sont au plus bas. Mais au fil du temps, les durées d’emprunt s’allongent, la solvabilité des ménages atteint ses limites, les gens achètent de plus en plus jeune, des logements de plus en plus petit, de plus en plus éloignés, avec de plus en plus de travaux. On trouve même des granges en ruine en pleine cambrousse pour des dizaines de milliers d’euros. Des petites maisons, sans jardin ni charme, trouvent preneur à un demi-million d’euros près de Paris.
« Pigeon », « mouton », voilà comment sont nommés les nouveaux acquéreurs non-avertis depuis quelques années par les professionnels du secteur. On pourra même entendre : «Moi j'dis, tous les jours y'a un pigeon qui se lève le matin !» de la bouche d’un agent immobilier (9)

Les médias

Ne comptez pas sur eux pour vous informer, mais plutôt pour vous conforter dans la décision d’investir dans l’immobilier, que les prix sont normaux et ne sont pas près de baisser. Pour la télé, TF1, appartient à Bouygues ; France 2 et 3 à l’Etat… Le reste…

Bref pendant des années, la parole et l’analyse sur le secteur immobilier dans les médias sont laissés… aux experts du secteur immobilier : FNAIM, notaires, constructeurs et promoteurs immobiliers… Le résultat dans l’opinion populaire est redoutablement efficace.

Un exemple : quelque fois les taux d’intérêts remontent. Il est alors entreprit des reportages pour rassurer le pige… oups… euh… l’acquéreur potentiel, et le marché repart. Voir le reportage contestable sur France 2 où une « acheteuse» s’empresse, devant les caméras, d’acheter avant que les taux remontent. L’acheteuse, Virginie Romefort, est en fait acquisition manager dans une société de fond d’investissement en… Immobilier.(10)

Malgré des avertissement lancés dès 2003 sur une situation jugée à risque par des analystes financiers indépendants, la banque de France, l’OCDE…
Malgré un rapport du Sénat de 2005(11), qui cite : les prix en 2004 pour la France entière se situent 25 % environ au dessus du niveau tendanciel, soit un écart historiquement inconnu et donc préoccupant en première analyse.

Peu d’avertissements seront relégués dans les médias traditionnels, et la bulle s’amplifiera.

Il faudra regarder sur le net pour s’apercevoir de l’ampleur de cette bulle : www.le-blog-immobilier.com, www.bulle-immobiliere.org

2006-2007 on atterrit en douceur, on dégonfle la bulle

Nombre d'appartements par an

En finance, on appelle ça un ciseau : les mises en ventes sont supérieures aux ventes… comme en 1990 (zut, j’ai oublié « cette fois c’est différent »)

Septembre 2006, première bombe : Jean-Louis Borloo, Ministre du logement, « prédit une baisse sensible de l’immobilier dans les années à venir » ; Les médias s’y intéresse mollement, l’opinion relativise « c’est pour mettre en avant sa politique de cohésion sociale ». Les experts du secteur contre-attaquent les propos de Borloo(12)

.

Décembre 2006, Xerfi, du groupe Précepta, prédit une baisse de 25% de l’immobilier dans les quatre ans à venir. Après "une hausse de près de 100% entre 1996 et 2006", "le point haut du cycle a été atteint", estime Precepta, et désormais "les tendances s'inversent". "Le scénario noir d'un krach devient crédible", assure-t-on dans cette analyse.

Quelle est la cause de la hausse de l’immobilier de manière mondiale ?

Comme l’excellent Michael Moore, dans Bowling for Columbine, qui cherche pourquoi il y a plus de morts par balles aux USA qu’ailleurs, je cale un peu sur le pourquoi de la flambée immobilière et son aspect mondial. Pourquoi cet attrait soudain, euphorique, voire frénétique pour l’immobilier ?

  • La baisse des taux d’intérêt ?
  • Le vieillissement et la migration de la génération baby-boom à l’aube de leur retraite ?
  • L’apparence de l’immobilier comme valeur refuge « qui ne baisse jamais » pour les épargnants et investisseurs, contrairement à la bourse ?
  • Simplement la cupidité humaine, la pression sociale et un effet moutonnier ?
  • Une combinaison de plusieurs de ces éléments sans doute ?

Je me laisse aller à une petite réflexion, peut-être aussi fausse que les précédentes :
C’est un effet secondaire de l’état de peur dans lequel nous sommes dorénavant mondialement conditionnés : Une recherche de sécurité, la peur de l’avenir, la peur de perdre son emploi, la peur de se retrouver SDF, la peur de rester locataire toute sa vie, la peur de ne pas acheter avant que ça monte encore, la peur de ne pas pouvoir acheter quand les taux seront trop hauts…
Ou une peur de notre environnement, une peur primaire qui est en nous, qui a poussée nos ancêtres à se regrouper dans des grottes quand la savane brûlait, quand certains prédateurs rodaient, quand le tonnerre grondait ? Une peur réveillée pas nos horribles journaux télévisés qui nous poussent à avoir des cavernes modernes ?

Achat ou pas achat ?

That is the question... Maintenant à chacun de faire sa propre opinion, selon ses richesses, la localité où il vit, ses aspirations… Il existe certainement encore des bons plans pour les connaisseurs. Il y aura bien des personnes mal intentionnées et mal informées pour vous guider dans des mauvais choix. Comme moi, votre banquier, votre agent immobilier, votre meilleur(e) ami(e) ou votre belle-famille.

Pensez à certains Japonais qui ont pris un crédit pour 50 ans en 1990. Il leur reste encore 35 ans à payer et la valeur de leur maison est en baisse depuis 14 années consécutives.

Éclatement brutal de cette bulle ou atterrissage en douceur ?

Je ne me risquerais pas à des pronostiques. Je suis locataire, donc partial dans cette affaire. En tout cas, le consensus des experts économiques est là : nous sommes en fin de phase ascendante d’un cycle immobilier. La plupart des leviers sont au taquet, mais il reste un peu de carburant pour une petite hausse (placement pour les retraites, allongement de la durée des crédits…), si l’horizon économique est dégagé, mais c’est sauter pour mieux plonger.

Si on suit la logique des cycles de hausse et de baisse, une augmentation de 100% est suivie d’une baisse de 50% avant la reprise d’un cycle ascendant.
L’inconnue reste la durée de la phase descendante : 15 ans comme au japon ? 6 ans comme en France dans les années 90 ?
Tout seul, le dégonflement de la bulle serait presque sain pour notre économie. Combiné avec d’autres risques économiques (éclatement d’autres bulles financières, crise des devises, surendettement des états, conflit géopolitique), la crise de 1929 perdra une place sur le podium.

Je ne doute pas que les « économistes » actuels (ceux qui nous disent que «  le marché est sain », que « cette fois c’est différent ») reviendront dans quelques années dans les médias nous expliquer que la chute de l’immobilier était quand même prévisible, que certains signes étaient évidents.

Tout système ne repose que sur le consentement des personnes à accepter et à entretenir ce système.

Bon courage,
Breizhfox

Publié dans Scandales économiques

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